#ÀLaRencontreDe l’Abbé Paulin Gacli: l’homme qui a marché « Sur la lune » !
Marcher sur la lune était un rêve très populaire dans les années 60-70. L’Homme a réussi à accomplir cet exploit grâce à la technologie. En faisant quelques petites recherches sur le sujet, vous découvrirez que seulement douze astronautes ont foulé le sol lunaire dans le cadre du programme Apollo. Concernant leur nationalité, ce sont tous des américains.
Scoop du jour : rien de tout cela n’est vrai ! Enfin, pas totalement.
Un autre homme a récemment marché « Sur la lune », et il est béninois. Il n’est pas très connu des livres d’histoire et de science, mais Monde en Lettres compte bien rétablir la vérité sans plus attendre.
Mes chers amis, je vous emmène aujourd’hui à la rencontre de l’Abbé Paulin Gacli, l’homme qui a marché « Sur la lune » !
Mel : Bonjour Abbé Paulin. Un prêtre qui écrit de la poésie ? J’avoue que cela attise ma curiosité. Les abonnés de Monde en Lettres veulent tout savoir de vous. Dites-nous, Abbé !
AP : Evidemment, nul ne saurait connaître de fond en comble une personne, qui plus est un prêtre voué à la vie discrète. Je suis en effet, un consacré par le sacerdoce ministériel en Christ depuis 2010, ayant commencé le parcours de tous les séminaires à 13 ans. Après divers ministères d’enseignement et de responsabilité au Séminaire et au collège, me voici à Rome depuis 2015 pour les Lettres classiques et chrétiennes. Voilà succinctement ce que je puis dire de ma vie qui est vraiment personnelle, sans rien de particulier et d’exceptionnel.

Mel : Comment s’est faite votre rencontre avec la poésie, mais surtout celle avec le Créateur ?
AP : Avec le Créateur, vous savez mieux que moi que cela se fait ‘in matris grembo’, dans le ventre de sa mère au moment de la conception, et ce, je ne pourrais le dire ni le décrire. Mais avec la poésie, la rencontre naquit quand nous eûmes le privilège de faire la série classique au séminaire, et de nous abreuver des premiers vers de ces classiques auxquels parfois on ne comprenait rien sinon l’assonance des rimes et la beauté des vers.
Mel : La poésie a mille et une définitions en fonction de chaque personne, qu’elle soit un poète ou non. Pour vous, qu’est-ce ?
AP : La poésie est avant tout un art, et comme tel, une pratique vous venant d’une perception forte des réalités aussi abstraites que concrètes de la vie, qui prend forme en un second temps, et devient alors ‘formosa’, c’est-à- dire belle. S’il est vrai que chacun doit en avoir une définition personnelle, il demeure indiscutable qu’elle a ses exigences, ses règles et son professionnalisme comme tout autre domaine de l’art. Est vraiment poète qui en connait le mécanisme. A ce propos Quintilien, rhéteur est un tuteur dont la rhétorique vous permet de rallier le monde poétique de Catulle, Virgile, Horace pour ne donner que ces noms pour le monde latin. Et pour le monde grec Homère est une souche.
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Mel : Quelques enquêtes sur vous avant cette interview ont révélé que vous étudiez les Lettres classiques. Pensez-vous qu’elles ont toujours leur place à cette époque où tout va vite ?
AP : Je venais de le dire ci-haut que je suis en Lettres classiques et chrétiennes, et ce depuis 2015. Etudier les Lettres classiques, c’est être en contact avec les écrivains des premiers siècles qui nous apprennent à connaître l’humanité, l’Humanitas ; et alors tant qu’il y aura des hommes sur terre, les Lettres classiques auront toujours leur place et leur intérêt, je dirais leur urgence pour notre monde. D’ailleurs, pour nous Africains cela est si vrai qu’il est dit que c’est à l’ancienne corde que l’on tisse la nouvelle.
Malheureusement, comme vous le constatez de visu, la mise à mal et la suppression de cette faculté et branche dans nos universités et collèges entrainent logiquement la mise à mal et la mort de l’homme. Il suffit de remarquer ce qu’est devenu l’homme. Pire, vous me diriez que le latin et le grec sont morts, mais je vous répondrai que tant qu’un seul être arrive à les parler, ils vivent bien, car jamais le nombre ne fait point l’existence d’une langue. Et ils sont encore parlés, et ils sont encore vivants.
Mel : Votre recueil de poèmes a un titre qui me fait craquer « Sur la Lune ». Je ne sais pas pour les autres, mais je le trouve magnifique et plein de questionnements. Avant d’entrer dans le fond, pourquoi un tel titre ?
AP : Sourire. On dirait que cette question accompagne désormais le livre. Et je vois que mon objectif est atteint. Un poète doit susciter des questionnements dans la tête de ses lecteurs. J’avoue qu’à y penser, le titre semble être comme la Lune au-dessus de ma tête. Car je ne saurais expliquer exactement tout l’enjeu. J’en étais certes bien conscient. Sur la Lune est d’abord le titre d’un des poèmes. Je voulais donner un autre titre à mon ouvrage, mais sur suggestion de mon éditeur, j’ai voulu choisir, et comme cela se dit en Latin, élire un titre, et c’est bien Sur la Lune qui s’est imposé. C’est le poème le plus court il me semble, mais aussi celui qui m’a si habité que je le mettais en chant comme chagrin des désespoirs de ce monde, et regain d’espoir pour le merveilleux qui attend l’homme au-delà de ses convictions, dans un monde où tout le porte au meilleur. C’est justement dans ces vers que j’ai vu l’acuité de la poésie sans être vacuité aucune. Je le murmure à certaines heures de mes jours et de mes nuits, et je rends grâce à Celui qui me l’a inspiré.
Un poète doit susciter des questionnements dans la tête de ses lecteurs. Cliquez pour tweeter
Mel : Embarquons à présent dans la navette, et cap Sur la Lune ! Les poèmes de ce recueil sont plus savoureux les uns que les autres. Le lecteur a l’impression de se trouver en apesanteur avec ce livre. Ce fut mon cas. Quelle a été votre source d’inspiration ?
AP : Si vous êtes en apesanteur, je suis heureux. Car comme je le disais dans le prélude à l’ouvrage, citant Anatole de France, « il est de certaines choses dont la médiocrité soit insupportable. » Ma première source d’inspiration, vous la connaissez bien : Dieu, Auteur de tout. C’est lui d’ailleurs l’auteur de toute œuvre bonne et belle. J’ai été saisi par la pensée de certains poètes qui me paraissaient des monstres de la poésie, que dis-je, des génies. Je les lisais tous les jours, et permettez-moi de rattacher les deux mots pour dire toujours. Ce dont je vous parle est vraiment une initiation qui dépasse le devoir et rejoint la sphère de la passion, ou pour être plus vrai, de la possession. N’ayant pas connu le monde grec et latin, j’imitais Jean de la Fontaine, Victor Hugo qui ne sont que des nains à côtés de ces géants grecs et latins dont j’avais déjà avancé certains noms plus haut. La littérature française à plusieurs égards n’est qu’une imitation de celle latine et grecque. Et je suis à m’abreuver désormais à cette antique et nouvelle source qui m’inspire.
Mel : Juste pour savoir : entre une bouteille de vin et du fromage, quelle est votre préférence ?
AP : Votre question me rappelle ce petit poème d’écolier que nous avons tous appris : « Maître corbeau tenant en son bec un beau fromage… » Dans ma puérile tête à l’époque cela ne renvoyait à rien. C’est seulement avec mes voyages en Europe que j’ai découvert ce flatte-faim qui n’est pas du tout pour moi une préférence. Mais l’amitié avec le vin peut devenir même sacramentelle. Je vous fredonne ici un des carmina burana : « Istud vinum vinum bonum, vinum generosum » (éclat de rires) Le vin vous maintient toujours dans la joie, même si l’ébriété est son danger. Il suffit de lire mon poème à ce propos.
Le vin vous maintient toujours dans la joie, même si l’ébriété est son danger. Cliquez pour tweeter
Mel : Et puisque vous avez un faible pour la poésie, quel est votre avis en ce qui concerne les poètes de la nouvelle génération ? Pensez-vous que la poésie béninoise se porte bien, et qu’elle a de beaux jours à venir ?
AP : Malheureusement, pour le moment je n’ai pas grande connaissance de ces poètes modernes, qui plus est de notre pays. Ils sont certainement issus des Lettres modernes. Je les félicite d’écrire, car cela n’est point facile. Mais je suis plus désormais rivé sur le monde classique que je ne peux jamais finir d’explorer. C’est là l’origine de tout, sans oublier les autres genres littéraires de nos terres. A la poésie béninoise pour de beaux jours à venir, il va falloir retourner à l’enseignement du classique dans nos établissements et universités : « multae res sine motu » dirait Cicéron.
Mel : Entre servir Dieu et vous consacrer à la poésie, je suppose que vous devez avoir un agenda hyper chargé. Comment y arrivez-vous ?
AP : Je puis dire que j’ai écrit la plupart de ces poèmes pendant mon ‘otium’, au séminaire et ailleurs. La deuxième partie du livre est même le fruit entier de mes oraisons et admirations devant le sacré.
Vous semblez voir deux mondes distincts entre Dieu et la poésie, mais en fait c’est une seule et même réalité. Pour moi, la poésie est un type particulier de prière devant Dieu. Ici à Rome pendant l’année académique, vous avez une surcharge terrible d’activités littéraires qui vous limitent le temps d’écrire. Mais il faut s’y mettre, et parfois à défaut d’écrire des poèmes, il faut les lire surtout en latin, non pas seulement des extraits d’un auteur, mais un livre en entier. La saveur est tout autre.
Dieu et la poésie, c’est une seule et même réalité. Cliquez pour tweeter
Mel : Monde en Lettres vous offre un billet pour une destination paradisiaque de votre choix (sauf sur la Lune). Je précise que tous les frais sont payés. Où iriez-vous ?
AP : A dire vrai, je ne suis pas fan des aventures et voyages. Mon monde abstrait semble être un véritable monde plus vaste que la terre et le monde. Pour ceux qui me connaissent je ne m’ennuie jamais avec un livre, contrairement à un voyage qui a ses risques. Même aller sur la lune ne me plairait pas si tant que rêver de l’abstrait ou rêver l’abstrait plus précisément.
Mel : Pour les amoureux de poésie qui souhaiteraient se rendre « Sur la lune », où peuvent-ils se procurer le recueil ?
AP : Pour ceux en Europe et en Amérique, il est disponible sur plusieurs sites de vente comme Amazon. Au Bénin, l’éditeur le mettra à partir du 11 prochain dans plusieurs points de vente, à Lokossa, dans les séminaires et à certainement à la Librairie Notre- Dame.
Propos recueillis par Cyr ZOGO