#ÀLaRencontreDe Martial KOGON : le caméléon !

Martial KOGON. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un super-héros de l’univers Marvel ou autre. L’homme a bel et bien une identité secrète, mais il ne combat pas le crime. Martial KOGON est le point commun entre Temps additionnel et Avec beaucoup de glaçons, deux livres que je vous recommande vivement. C’est également l’homme de scène, de lettres, de droit, mais surtout le père de Kass-Pyé (une marionnette très connue). Ah j’oubliais, Martial KOGON est aussi connu sous le pseudo de L’Ange Gardien.

Ouuulaaaaa, ce mec est un vrai caméléon comme vous commencez sans doute à vous en rendre compte. Pour en savoir plus sur lui, je vous propose de me suivre dans cette aventure. Martial KOGON s’est prêté à une interview déjantée, unique et exclusive pour Monde en Lettres !

Attention : ne cliquez pas sur ‘’Continuer’’ si vous n’avez pas le sens de l’humour. Interview peu conventionnelle. Vous êtes prévenus ! 😈


Mel : Bonjour Martial. Entrons dans le vif du sujet. Que faut-il savoir à propos de Martial KOGON ?

MK : Hum caméléon ? Pour le moment, c’est vous qui m’en faites voir de toutes les couleurs et non le contraire (rires). Si par caméléon, vous entendez que j’ai une démarche lente et étrange ; que comme ce reptile marié à sa branche, j’aurais un pas presque titubant, à la manière d’un éthylique qui s’accroche farouchement aux murs après une sérieuse séance de beuverie, je crois que j’aurais le droit de me vexer….

Cependant, si ce rapprochement est dû à ma propension à me fondre dans tous les univers où le mot est maître et où le maître-mot est simplement le mot, où le tout se résume à mettre des mots sur les différents maux, il y a des chances que je reconnaisse les traits d’une personne qui m’est assez familière.

Vous vous rendez compte que c’est difficile de se définir réellement. Je suis Martial KOGON, juriste et artiste béninois vivant en France. Je me vois plutôt comme Obélix. Je suis tombé dans la potion de la littérature quand j’étais petit (mais je soupçonne mon père de m’avoir poussé dans le chaudron). Depuis, je me laisse guider par la magie des mots et il arrive parfois qu’ils m’obéissent.

Mel : Comment percevez-vous le mot ?

MK :Voyez-vous, les mots sont une matière première inépuisable. Pour sortir une création, un orfèvre a un budget, une quantité limitée de pierres et de métaux précieux. Ces matières premières ne peuvent être travaillées par deux artistes au même moment. Alors que les mots en revanche sont disponibles pour tous, au même moment et en quantité illimitée. Si un poète sort un bijou littéraire de 100 carats, rien ne vous empêche de faire scintiller au même moment une merveille lyrique qui en vaudrait 200, avec la même matière première. Les mots rendent les poètes maîtres d’une richesse, que personne ne peut leur reprendre. (Le genre de phrases que tu sors pour te rassurer quand tu n’as pas de Ferrari, ni de yatch hahaha).

« Les mots rendent les poètes maîtres d’une richesse, que personne ne peut leur reprendre. » - Martial KOGON Cliquez pour tweeter

 

Mel : Homme de lettres, de scène et juriste. Quel est le fil conducteur ?

MK : Je suis bien tenté de vous sortir une explication bien absconse en l’étayant de toute une série d’articles pompeux,qui auraient été rédigés par un obscur professeur du fin fond du Massachussetts. Mais on va faire simple. Je crois que ça répond à un désir de comprendre le monde,  de comprendre les gens, leurs sentiments, leurs émotions. Tout petit, on m’a tellement répété la phrase « reste tranquille » que j’ai cru à un moment qu’il s’agissait d’un de mes prénoms.

J’étais très curieux, je voulais tout connaitre, tout comprendre, tout de suite. Dès que j’entendais un nouveau mot, je harcelais mon père pour comprendre. Chaque fois que je disais « pourquoi », il fallait s’attendre à d’autres « pourquoi ». Pour se débarrasser de moi, mon père m’a offert un dico à sept ans. Un homme de lettres, un homme de scène et un juriste ont en commun le fait de se poser des questions. Les premiers à travers les personnages et l’univers qu’ils créent, le dernier à travers la partie ou la position qu’il entend défendre.

Ils ont en commun d’être des personnes qui savent raisonner mais qui sont bien conscients que le plus important, ce n’est pas de connaître le résultat final, mais d’avoir une démarche. Un avocat sait qu’une position n’est pas figée, même si elle relève d’une évidence enfantine. Il sait que le plus important, c’est l’argumentation ; un juriste sait qu’un détail sur la forme peut faire s’effondrer en face une forteresse juridique réputée inexpugnable. Il en est de même pour l’homme de lettres et l’homme de scène, qui savent que l’homme est fait d’émotions, et que rien n’est figé. Tout est une question de perception.

Un homme de lettres, un homme de scène et un juriste ont en commun le fait de se poser des questions. Cliquez pour tweeter

 

Mel : Juste pour savoir : entre sucer trois citrons non mûrs sans cligner des yeux et nous citer 10 points de ressemblance avec Donald Trump, que choisissez-vous ?

MK : Rires, il est milliardaire comme moi (moi j’évite d’étaler ma richesse), il écrit comme moi (lui préfère écrire les chèques), il est écolo comme moi (les billets verts), on aime tous les deux les costumes… Ah, c’est bon, j’abandonne. Où sont les trois citrons ? (rires).

Mel : Bien, c’est bon à savoir. Parlez nous un peu de vos deux livres. Quelles sont les thématiques qu’aborde votre plume ?

MK : Le premier ouvrage « Temps additionnel » est paru en 2013 aux Editions Plurielles dans le cadre du concours Plumes Dorées. J’avais eu l’insigne honneur de me voir distingué en tant que lauréat. C’est un ouvrage du genre roman noir, qui à travers les rues de Cotonou, voit le héros, le père Honoré, un prêtre, mener une enquête pour sauver la vie de Mariam, condamnée à mort pour meurtre. Dans ce roman, j’évoque le sens du sacrifice dans sa vision la plus noble, celui qui n’attend rien en retour. Ce roman à fort substrat social jette sous une lumière crue sur les maux de la société, dont la corruption, les relations incestueuses entre les milieux interlopes et la politique, la violence. Tous ces maux ont en fil d’Ariane le manque d’amour du prochain.

Le deuxième ouvrage « Avec beaucoup de glaçons » paru en 2018 (à découvrir ici) est un cocktail de sept nouvelles. Je revisite des thèmes qui me sont chers comme celui de l’enfance. Dans la nouvelle Skéléwu par exemple, on regarde le Cotonou des marginaux à travers les yeux d’un petit enfant. Chaque jour dans la rue, nous rencontrons de petits Skéléwu que nous préférons faire semblant de ne pas voir. J’évoque nos blessures internes aussi.

« Il y a certaines épines qu’on préfère laisser dans le corps, car les retirer, c’est prendre le risque de s’arracher des morceaux de chair ». (Avec beaucoup de glaçons, Page 86) - Martial KOGON Cliquez pour tweeter

Mon rôle en tant qu’écrivain est de nous toucher, là où ces épines ne se contentent pas de nous égratigner. Mon rôle c’est de faire en sorte que chacun puisse avoir le courage d’identifier ses épines, et envisager de les enlever. Ça demande du temps et parfois de l’aide, mais faire semblant d’ignorer l’existence de nos maux ne les fait pas partir. Ce dernier ouvrage m’a également permis de parler de certaines personnes qui ont pignon sur rue, grâce au pactole de l’escroquerie religieuse. Avec Assiba, j’ai abordé le thème du handicap, pas d’un point de vue misérabiliste, mais pour montrer que :

« Rire de tout (…), n’était-ce pas un fabuleux pied de nez au destin ? Une manière de ne pas lâcher prise, même quand la vie nous tord le bras. »(Avec beaucoup de glaçons, Page 158) - Martial KOGON Cliquez pour tweeter

Enfin, nous avons bien entendu les histoires à tiroirs avec leur dose de suspense et de personnages sulfureux. Les amateurs du genre n’ont pas été laissés pour compte dans la nouvelle « 40 n’est pas divisible par 3 »,avec la belle Doziao (ne me demandez pas l’explication en langue fongbé), dont le galbe affriolant, le déhanché vertigineux et la poitrine effrontément tendue vous obligent à faire vœu de ‘’ chaste tétée ‘’. Rires.

Martial KOGON
Avec beaucoup de glaçons / Crédit photo : David GNAHA

Mel : Selon mes sources, vous êtes aussi un rappeur à vos heures perdues. Faites-vous du rap dit conscient ?Rap, slam et poésie : quel est l’art le plus important ?

MK : Vous avez de bonnes sources. Je ne suis pas juge du rap, et je ne saurais arbitrer entre les différents arts. Par contre, je suis convaincu que chaque art intrinsèquement porte sa vocation à revendiquer. Chanter l’amour c’est déjà revendiquer. Ce sera difficile pour une personne qui chante l’amour le plus pur à une femme, de se montrer violent dans la même chanson. De la même façon chanter la paix, c’est déjà un geste fort et très engagé, contre la guerre et la violence. Prétendre que je fais un art conscient serait dire que tout se qui se fait en face est inutile. Mais l’histoire nous enseigne que l’aune à laquelle on mesure la valeur de l’art n’est pas la même avec le temps.

Je suis conscient que certains styles de musique, à travers leurs paroles peuvent difficilement emporter l’adhésion d’un public, qui, a défaut de rectitude morale, revendique une forme d’esthétique lyrique.  Cependant, je fais ma musique, comme je la ressens, comme les mots me viennent. La poésie m’est venue avec l’amour. J’aime dire que la poésie d’amour m’a donné l’amour de la poésie. C’est pareil pour le rap. Mon rap est dans l’affirmation de soi, dans la valeur qu’on donne au travail.

 

Je me garde de juger les autres styles de rap ou de stratifier les arts, car à ses débuts, le rap n’était même pas considéré comme de la musique par les bien-pensants. Si parfois certains ne prennent pas le risque de sortir de l’épure, quitte à choquer, l’art n’évoluerait jamais. Et de toute façon, il faudrait qu’en face, il y ait d’autres manières de s’exprimer, pour que ton art soit également mis en lumière, si tant est qu’il a cette valeur que tu entends lui conférer.

La poésie m’est venue avec l’amour. J’aime dire que la poésie d’amour m’a donné l’amour de la poésie. C’est pareil pour le rap. Mon rap est dans l’affirmation de soi, dans la valeur qu’on donne au travail. Cliquez pour tweeter

Mel : Comment voyez-vous l’avenir littéraire de l’Afrique dans quelques années ? Mais déjà, quelle est votre appréciation des nouvelles plumes béninoises et du continent africain ?

MK : Je crois qu’il y a de très belles choses qui sont faites, avec une floraison de jeunes auteurs, de maisons  d’édition et de blogs littéraires (merci pour le travail incroyable que Monde en Lettres ainsi que les autres blogs littéraires abattent). Nous avons des plumes qui sont très belles. Mais si nous voulons que le prochain Goncourt ou le Renaudot soit béninois, il faut le fabriquer, et non attendre qu’il gagne pour le porter aux nues.

Martial KOGON
Séance de dédicaces de « Avec beaucoup de glaçons » / Credit photo ; David GNAHA

Il faut encourager des concours comme Plumes Dorées et leur permettre de détecter, et de développer davantage d’auteurs. Giovanni Houansou a remporté le prix RFI Théâtre 2018, Habib Dakpogan et Daté Barbabé-Akayi ont remporté les dernières éditions du Prix du Président de la République. Il faudrait être capable de leur offrir des bourses, les accompagner dans leurs projets pour qu’ils produisent sereinement des œuvres qui les porteront vers d’autres sommets qui ne peuvent qu’honorer le Bénin. Le reste n’est que conjectures et je ne suis pas un champion de la discipline.

« Si nous voulons que le prochain Goncourt ou RENAUDOT soit béninois, il faut le fabriquer, et non attendre qu’il gagne pour le porter aux nues. » - Martial KOGON Cliquez pour tweeter

Mel : On me souffle dans l’oreillette que vous êtes également un artiste ventriloque. Cela me fait d’ailleurs penser à Jeff Panacloc (qui ne lira sans doute pas cette interview). Enfin, comment devient-on ventriloque ?

MK : Si ça se trouve, c’est avec ma marionnette que vous êtes en train de réaliser cette interview depuis le début (rires). Pour être ventriloque, il faut avoir un peu un don (comme dans toute discipline qu’on envisage avec sérieux), beaucoup de travail avec la respiration pour tenir sur la durée avec les deux voix à la fois, être bon comédien (un peu schizophrène) pour jouer les deux rôles, et bien écrire ses dialogues.

Moi je me suis vraiment lancé après une formation en autodidacte en 2012, année où nous faisions des spectacles de slam, stand up, ventriloquie & sketchs avec d’autres amis comme Edison ADJOVI aka Noside (mon compère slameur-rappeur-écrivain), Fabrice CAPO-CHICHI Alias El Fuego et Godfried EDEY. Mais entre-temps Kass-Pyé (ma marionnette) a commencé une grève illimitée. Là, j’ai réussi à trouver un accord pour satisfaire ses revendications (un verre de vodka mélangé avec 9,375 grammes du coco râpé le matin et le soir). Nous allons normalement reprendre du travail incessamment.

« Accepte de travailler dans le noir et le froid pour mériter ta place au soleil. » (Temps additionnel, Page 89) – Martial KOGON Cliquez pour tweeter

Mel : Pour les charmantes lectrices de Monde en Lettres qui souhaiteraient prendre le cœur de Martial KOGON, que faut-il faire ? Déposer un dossier quelque part peut-être ?

MK :Je pourrais vous servir la version politiquement correcte en disant, peu importe le physique, il faut juste qu’elle ait un bon cœur et qu’il y ait le feeling. Mais bon, vous ne me croiriez pas. Je pourrais aussi dire que quand la providence vous fait la faveur de croiser une jouvencelle d’une extériorité fort harmonieuse et agréablement proportionnée, et dont l’envergure cérébrale remarquable va de pair avec un caractère fort aimable, il y a des chances qu’elle puisse avoir raison des réticences les plus tenaces…

Martial KOGON
Martial KOGON / Crédit Photo Boss’Art

Mais au final, je préfère sortir mon joker et garder le mystère (qui me dit que vous n’avez pas été corrompu pour m’arracher des secrets ?). Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat (rires).

Mel : Monde en Lettres vous offre un week-end tous frais payés avec une chanteuse béninoise de votre choix. Qui choisirez-vous  ?

MK : Cher ami, décidément vous allez me faire passer pour un jeune très porté par ses avidités sensorielles inextinguibles. Je crois que vous tenez à me faire lyncher par les lectrices (rires). J’ai presque failli (je dis bien presque failli)penser à une tata chanteuse que j’aime bien, mais qui est un peu plus âgée que moi.  (Rires)

Mel : Votre mot de fin dans ce cas ? (Pour enfin vous permettre de souffler.)

MK : Merci à vous Cyr ZOGO pour cette belle interview, et bravo pour le formidable travail de promotion des auteurs/artistes que fait le blog Monde en Lettres. A ceux qui nous lisent, je dirais, vivez votre vie, vivez-la intensément, vivez pour vos rêves. Ne vous contentez pas d’exister, ne vous contentez pas de vivre pour penser à régler des problèmes.

« La vie n’a plus de sens quand on ne vit que pour l’urgence. » (Avec beaucoup de glaçons,Page 150) – Martial KOGON Cliquez pour tweeter

Propos recueillis par Cyr ZOGO

*Crédit photo image à la une : David GNAHA